Ce soir 29 janvier- Ecrire les gestes, la motion, le corps en déplacement, marche, course, danse, nage… Pas tant un geste que ce qui bouge le corps, l’emporte, l’emmène, le geste « pur », sans but instrumental, sans outils que ses ressources propres. Les gestes convoquent l’enfant, le rappel de son corps étranger à elle-même, comme elle ne tournait pas rond, comme elle ne poussait pas droit, la profonde inadéquation de son corps et de son esprit, les pensées ininterrompues et le corps décalé, déceptif, peu habile, indomptable.
Me revient toute une année passée avec La philosophie du geste de Michel Guérin, le texte me hantait, l’évolution des grandes phases du geste m’obsédait. Il en résulte Temps Haletant, une lecture de quarante cinq minutes avec bande sonore. Un long et fort travail sur la lecture à voix haute, ses principes, ses écueils, et un sentiment positif en retour.
L’outil dans la main tape précis cogne des heures cogne dans la mémoire d’un village
Dans la mémoire d’une fille
Tes outils tes planches ton feu tapent juste chauffent juste taillent juste
Les merrains taillés se cintrent au feu, à l’eau, à la force
Enchâsse les cercles Laisse cuire le bois Le bois sur les feux Les flammes contre les douelles Le vin aura ce goût dans la bouche, dans le nez, le gout de bois cuit, le goût de fumée
Geste juste / ferme le tonneau/ change les cercles / colmate l’étanchéité / perce la bonde / tape la douelle / chanfreine les merains/ / perce la bonde / taille le bouchon / cogne outil contre matière/ PERCUSSION AVEC PERCUTEUR —
Les gestes du déplacement du corps sont de nature bien différente des gestes avec but, comme attraper, découper, peindre. La marche, la danse, la natation sont une combinaison de kinesthésie — la perception des déplacements des différentes parties du corps assurée par le sens musculaire et par les mécanismes de l’oreille interne —, et de proprioception — la capacité de percevoir par d’autres sens que la vue.
Le Corps soutenu de l’intérieur par tous nos muscles et le savoir de comment nous occupons l’espace mêlé à ce que ressentent la peau, les cheveux – nos petites antennes — le nez, et les oreilles en stéréo. Un savoir premier du corps, celui de la survie face à une bête sauvage, à un obstacle dangereux, à une famine, celui de la vie en groupe, les entraides et les collaborations, les jeux et les repos, l’art et les histoires qui se transmettent.(À suivre)