Odeur qui chavire. Celle du lait chaud — quand a-t-elle commencé à être écœurante — Devant un bol de lait machinalement je tourne la cuillère et brise la peau à la surface, elle se disperse, se fragmente, ne disparaît pas. L’autre peau, la peau crémeuse, a été enlevée sur le feu alors que le lait bouillait. Je tourne la cuillère, le lait refroidit un peu.
Il y a toujours eu cette façon de nous présenter une nourriture trop chaude, brûlante, bouillante et les recommandations à souffler, à attendre, à ne pas se dépêcher, quelque chose comme : mange/ne mange pas ; impulsive j’agis sans délai en conséquence j’avale tout rond, trop chaud et brûlant, la langue en feu et dépapillée, des cloques sur le palais. Devant la bouchée de pomme de terre, la cuillère de soupe, le morceau de gratin, et le lait du matin, l’avertissement laisse refroidir, ça sort du four, ça vient du feu, tu vois ça fume arrive trop tard, et déjà une lapée, une gorgée, une bouchée touchent ma langue, défoncent mon palais, mon œsophage et parfois mon estomac — la purée n’est-elle pas la pire de ces nourritures brûlantes ? Elle tombe dans le ventre dirait-on et provoque une longue douleur, il faut une gorgée d’eau froide pour en venir à bout. La blessure prend des jours à disparaître, le palais inutilisable, la langue enflammée, le gosier douloureux, tout est fade et désagréable à manger.
Devant le lait je me décide, compter trois, tour de cuillère, tenir le bol, avaler, compter deux, avaler. Pour ce matin sans respirer éviter le haut-le-cœur.