Ce jour 30 janvier – Quand les tracteurs bloquent les routes, plus qu’à l’ordinaire les trains sont bondés, hommes et femmes malmenés pris dans les bousculades, debout sans confort. La femme est jeune au téléphone. Elle parle avec un tout-petit, par vidéo. Ça dure et il pleure. Elle finit par tourner l’appareil vers moi. Depuis l’infra-langage, le langage débutant entre comprendre et s’exprimer, communiquer et parler, il m’écoute et se calme un peu, la maman reprend la main, et finit par lui dire au revoir.
À notre tour.
Sa vie de couturière spécialiste des robes de mariées, la valeur ajoutée au métier de retoucheuse, les interventions très techniques et différentes pour chaque robe, chaque corps, on ne s’ennuie jamais. Un monde de stress, de dates limites, d’enjeux pour le magasin et les clientes quand une prise de poids ou un délai conduisent au drame, quand l’insouciance des dernières minutes confère à la catastrophe, crises de larmes ou fous rire, des femmes prêtes à mourir pour le plus beau jour de leur vie. Elle est la plus aguerrie des retoucheuses, le salaire et les primes la motivent. Le patron la soutient, comprend la fatigue et les difficultés, il accepte les pauses, il fait confiance, elle la lui rend. Le train avant le lever de l’enfant et le retour à l’heure du coucher, les dialogues par vidéo à rassurer, éduquer de loin, aimer en pointillé, une organisation autour du petit humain avec le compagnon — impliqué et autonome. Faire le trajet jusqu’à Lyon est nécessaire ? Elle a choisi, s’épanouir dans un travail valable et qu’elle aime. A s’y pencher de près, il manque un moment dans sa chronologie. Elle sourit. C’est pour moi, un café en terrasse à la gare, je ne pense à personne, je souffle avant la journée, j’ouvre un livre. Ces minutes sont à moi et à la lecture. (À suivre)
