Les fontaines. Les jets d’eau. Images et diapositives. Le mouvement, les gouttelettes, les brumes.
Représenter une fontaine par une technique de réserve. Un liquide à l’odeur de poisson fermenté. Bleu et collant. La gomme posée avec une pointe, un pinceau fin, une palette de bois, un coton tige, à tenter de suivre le dessin préparé. Matière lourde sur les coups légers de crayon. Lignes et gouttes. Effet d’eau et de ciel. Éviter les pâtés. Les amas. Les épaisseurs. Séchage. Le temps d’en faire un autre.
Frottage à l’aide d’un coton. À l’encre. Ne pas appuyer trop. Salir ses doigts. Les bouts des doigts bleuis. Crêtes et sillons de nos empreintes. Mettre à sécher. Attendre. Encore. L’odeur affreuse, l’odeur confinée, tenace. Le papier roule sur lui-même. Mis à aplatir entre les pages d’un livre.
Retirer la gomme. Par fragments. Par grattage. Par arrachage. Sans déchirer la feuille, sans la froisser. Retrouver la blancheur préservée du papier. La fontaine en contraste de blanc sur un fond bleu. Nette. Franche. Silhouette de fontaine précise. Dentelle de blanc sur fond bleu. Un but. Recommencer.
Chaque erreur amplifie la maladresse générale. Chaque précipitation rend le travail plus grossier. Chaque impatience compromet la suite. On travaille chez C, assises dans la loggia de l’appartement HLM de ses parents. Toute une après-midi de fontaines, de gomme et d’encre. Nos doigts colorés. Nos bouches à rire. La mère de C, le goûter de gaufres, chocolat, sucre glace. La faim de dix ans. La robe de communion de C et ses cheveux roulés des nuits entières. Papillotes.
Notes moyennes pour nos fontaines. Odeur infecte de la gomme. Soleil sur la loggia. La mère de C. La robe. Les boucles.